Paroles de clandestins à Lampedusa
Publié le 26 Août 2008
Ils viennent de la Corne de l'Afrique, du Nigeria ou d'Afrique du Nord, fuyant la guerre, la famine, la misère et les régimes autoritaires. Située à l'extrême sud de l'Italie, à 200 km
des côtes libyennes, l'île de Lampedusa est, pour eux, la porte de l'Europe et ils sont des milliers à tenter la traversée, sur des embarcations de fortune. Depuis janvier, déjà 13 000
hommes, femmes et enfants sont arrivés à Lampedusa. Au centre de premier accueil de l'île, des migrants nous ont raconté leur voyage et leur rêve européen.
A. est Érythréen, il a 17 ans. Mineur, il bénéficie automatiquement du droit de rester en Italie. « Je suis parti de chez moi à 15 ans, avec un ami. Nous avons eu peur de la guerre. On a mis deux ans à arriver en Europe. On a dû travailler un an au Soudan. En Libye, on a attendu neuf mois pour traverser. Finalement, on a embarqué sur un petit bateau à moteur plein à craquer. En pleine mer, on est tombé en panne sèche, on a eu peur. Heureusement, un bateau italien est venu nous chercher. Je suis triste d'avoir quitté l'Afrique, je ne pense pas que je reverrai un jour ma famille, mais j'ai appelé, ils savent que je vais bien. Ici, je vais trouver un travail et étudier. Je pense que ce sera facile maintenant, parce que je suis un réfugié. »
H., 32 ans, mère de famille, est venue avec ses deux filles et son mari. « Je suis Érythréenne, mais j'ai quitté mon pays en 1998. Mon mari est Éthiopien, son pays est en guerre avec le mien. Nous avons vécu à Addis-Abeba (capitale de l'Éthiopie, NDLR), puis au Soudan et en Libye. Nous avons deux filles, de 8 ans et 1 an et demi. Nous avons navigué deux jours pour arriver en Italie, à 250 sur une embarcation, sans vivres. J'ai eu peur, bien sûr, à cause de mes enfants. Mais c'est aussi pour eux que nous avons fait le voyage ».
M., 26 ans, a dû fuir l'Érythrée, où il était étudiant en sciences biomédicales. Il a mis deux ans à arriver en Europe.« J'ai dû interrompre mes études et fuir l'Érythrée pour des raisons politiques. Toute ma famille est restée là-bas. Mon voyage a duré deux ans : j'ai traversé le Soudan, le Sahara, la Libye. J'ai dû récolter l'argent nécessaire pour le voyage. La traversée en bateau a été éprouvante, deux jours sans eau ni nourriture. Mais c'est fantastique d'être enfin arrivé. »
S. est une Nigériane de 24 ans, mère d'une petite fille de 3 ans et enceinte de 6 mois. Son mari, resté en Afrique, doit tenter la traversée pour la rejoindre. « J'ai mis une dizaine de jours à arriver en Italie. J'ai retrouvé des amis en chemin. La traversée depuis la Libye a duré une seule journée, mais n'a pas été facile car je suis enceinte de six mois. Je suis venue parce que je veux que mes enfants aient une bonne éducation, qu'ils vivent dans un pays en paix. C'est pour ça que j'ai quitté l'Afrique. Et puis j'avais trop d'ennuis avec ma famille, au Nigeria. Mon mari est au Ghana en ce moment. Il m'a dit que je devrais partir, il va nous rejoindre en Italie. »
Recueilli parMarie CAMIERE.