Un état des lieux de la lutte contre la corruption au Nigeria

Publié le 24 Février 2008

AFRIQUE
Un état des lieux de la lutte contre la corruption au Nigeria

2008-02-22 14:14:55 par CGPLUS

Image de lLe président actuel de l'Union Africaine recommande vivement à ceux qui critiquent les gouvernements Africains de ne pas oublier que la corruption est aussi vieille que l'humanité. Il ajoute que le fléau de la corruption existe partout sur la planète. De tels propos irresponsables ne font que renforcer les politiciens contre les peuples qu'ils sont censés servir. La corruption est un fléau du développement dans le monde.

Tandis qu'aux Etats Unis et en Europe la corruption ne génère qu'une activité mineure, elle représente 25% du PIB du continent africain. La corruption explique l'incapacité de l'Etat à garantir à ses citoyens une sécurité de l'environnement économique suffisante pour l'épanouissement des affaires. Par ailleurs, l'offre de services publics basiques financés par de l'argent public est rationnée par une forme de racket à cause de la corruption. Et l'argent public finit souvent dans les poches des corrompus plutôt que de servir l'intérêt général. La corruption explique également la faiblesse de l'état de droit et favorise une politisation de la vie sociale.

Dans mon pays le Nigéria, la corruption constitue depuis longtemps un frein à la croissance économique et à la prospérité. Pour beaucoup de non-Nigérians, il est difficilement concevable qu'un pays ayant des revenus pétroliers considérables soit pauvre. Le classement du Nigéria dans l'indice de perceptions de la corruption (CPI), était très mauvais jusqu'à récemment. Il a incité la dernière administration à créer la Commission des Délits Economiques et Financiers (EFCC : Economic and Financial Crime Commission) pour combattre la corruption.

L'EFCC a fait un travail remarquable sous la présidence d'Alhaji Nuhu Ribadu et ce, même parmi des politiciens douteux. Ainsi, quand, suite à une enquête, quelques directeurs bancaires ont été obligés de restituer des fonds frauduleusement acquis, la Commission a reçu des encouragements. Avec plus de 56 condamnations pour corruption, blanchiment d'argent, vandalisme sur les oléoduc et délits assimilés, des avoirs bien au-delà de 5 milliards de dollars appartenant à des fonctionnaires corrompus, à leurs agents ou à leur clan ont été gelés ou saisis. La lutte contre la fraude par avancement de frais aussi connue sous les noms de « fraude 419 » (du fait de l'article 419 du Code Pénal Nigérian) ou d'« arnaque nigériane » a été poursuivie de manière déterminée, menant à l'accusation et à la condamnation de personnes puissantes.
 
Citons pour exemple la célèbre affaire de 242 millions de dollars impliquant une banque brésilienne. L'EFCC a aussi récupéré et rendu la somme de 4 millions de dollars à une victime de fraude par avancement de frais à Hong-Kong. Elle a également saisi et rendu plus de 500,000 de dollars à divers citoyens américains.

Le défi réel pour la commission a commencé quand elle a décidé de s'attaquer aux politiciens, et particulièrement aux célèbres « vaches sacrées ». Ainsi, l'arrestation d'un gouverneur pour financement occulte de l'élection du Président Yar'Adua a renforcé la crédibilité de l'EFCC. À un moment donné, certains ont essayé de réduire les pouvoirs de la Commission, voire de l'éliminer. La confrontation ouverte entre la Commission et le Ministre de la Justice suite à l'insubordination de la première a menacé de mettre en péril les travaux de l'EFCC.

A y regarder de plus près cependant, l'origine du conflit n'est pas le refus de l'EFCC de rendre compte au Ministre de la Justice, mais la façon brutale avec laquelle ce dernier a exigé une telle subordination. La période la plus critique pour la Commission était celle qui a précédé les élections générales de l'année dernière. En effet, l'opposition à la prééminence de l'EFCC était si violente qu'elle a été utilisée par l'Administration pour régler ses comptes politiques, donnant ainsi une image de la Commission quelque peu écornée.

Quels que soient les défauts l'EFCC, la Commission a manifesté un engagement fort pour la lutte contre la corruption. Elle a enquêté sur un grand nombre de gens, y compris des dirigeants politiques et des personnes privées. La lutte contre la corruption resterait vaine si les brigands peuvent échapper à la justice grâce à leurs connections.

Hélas, un clan avec des racines profondes dans l'administration gouvernementale a réussi, en personnalisant la guerre contre la corruption, à éjecter de force Ribadu, le Président de la Commission, en l'envoyant en congé. Il n'est pas alors surprenant de constater le mécontentement du public face à cette tentative masquée de combattre la justice.
La question que tout le monde se pose est qu'après la mise à l'écart de Ribadu, l'EFCC aura-t-elle la même détermination à arrêter ou même poursuivre les grands noms dans l'industrie de la corruption ?

Toutefois, la leçon à retenir du cas nigérian est que la lutte contre la corruption ne devrait pas être confiée à une seule autorité bienveillante. Il semblerait plus raisonnable d'investir dans la mise en place d'institutions efficaces « agressives » et dotées de moyens de coercition, tout en récompensant en même temps les fonctionnaires honnêtes et diligents. Cela contribuera à renforcer la confiance et à motiver les fonctionnaires publics. Avec le temps, le succès de telles institutions et les standards moraux élevés qu'elles instaurent pénétreront toutes les couches de la société, détournant ainsi les gens de toute acquisition malhonnête.

L'administration actuelle doit s'engager fortement, et principalement par des actes, dans la lutte contre la corruption. Le moindre signe de recul de l'administration à cet égard remettrait les compteurs à zéro et ferait perdre à la nation le bénéfice des progrès qu'elle a accomplis. Et le Nigéria serait encore plus mal classé dans l'Indice de Perceptions de la Corruption Internationale. Un recul rendrait alors plus crédible l'allégation selon laquelle ce gouvernement est une simple ramification des administrations passives précédentes qui ont permis à une minorité puissante d'architectes politiques aux références douteuses de diriger le pays.



Thomson Ayodele directeur exécutif de l’ONG:
Initiative for Public Policy Analysis.
Avec la collaboration de "wwwUnMondeLibre.org"



Rédigé par kak94

Publié dans #observatoirecitoyen

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